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mercredi 23 mars 2011

Portrait : Antoine…

Antoine a une drôle de démarche depuis quelques temps…
Il marche floppi-floppant dans les couloirs du foyer. Rien de physiologique, Antoine somatise. C’est comme si toute l’angoisse qui l’envahit lui coupait les jambes. En tout cas, c’est ce qu’il nous a expliqué.
La trentaine, brun et maigre, l’air lunaire, une paire de lunettes qui n’a plus qu’une seule branche sur le nez, Antoine a toujours une cuillère dans la poche arrière de son pantalon ; il s’en sert pour y scruter le reflet de son visage...
Antoine déteste qu’on l’appelle par son nom de famille. Les premiers temps quand on le saluait par un « Bonjour, Monsieur L. ! », il nous répondait « m’appelez par mon nom de famille s’il vous plaît… j’aime mieux pas… »
« Ok Antoine ! »
Antoine n’ouvre jamais le store de sa chambre, et ne sort du foyer que pour aller voir son  médecin au CMP… Souvent, c’est Vincent, un clubiste historique, qui va lui faire ses courses : dentifrice, shampoing, petits gâteaux…
Un jour, Antoine me demande si le « Spiegel » est vendu en France. C’est un magazine allemand. J’ai trouvé sa question étonnante, et je lui ai demandé s’il parlait allemand. Il m’a dit que « oui, un peu ».
Alors quand il m’a avoué que ça lui ferait plaisir de pouvoir lire le « Spiegel », le lendemain matin je suis passée par la Gare du Nord en venant travailler, et j’ai trouvé le « Spiegel » au kiosque qui vend tout un tas de magazines étrangers.
Quand je l’ai remis à Antoine, il a eu l’air terriblement étonné. Etonné mais content.
Il m’a remercié en me disant : «  Ah, c’est gentil. Parce que les « Géo » ils sont tous à la cave. »
Le foyer est en travaux depuis quelques temps, et on a dû stocker tous les livres et revues dans  la cave. Et ça, ça embête drôlement Antoine, car il aime beaucoup feuilleter les « Géo » qui parlent de l’Alsace, du Massif Central et de la Sarthe…
Alors, régulièrement quand il passe nous voir dans le bureau de l’équipe pour nous demander quand est-ce qu’on va remonter les « Géo » de la cave, on lui passe le dernier Télérama du Club, le dernier magazine people de la veilleuse ou bien le dernier « 18ème du mois »…
Ce n’est pas exactement ce que voudrait Antoine, mais bon, il les prend quand même, toujours en nous remerciant comme si on venait de lui sauver la vie…

Certains diront qu’Antoine est étrange, bizarre…
Le fait est qu’Antoine est submergé par ses angoisses et qu’il en souffre, mais il n’en reste pas moins un jeune homme très surprenant et très attachant.

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